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Barrières tarifaires et guerres commerciales

Que cache cette rhétorique?

« Il y a un aspect crucial qui permet de distinguer une guerre commerciale d’une vraie guerre : les fusils sont pointés vers l’intérieur. »
Andrew Coyne, journaliste, National Post1


Les tarifs américains imposés sur l’acier et l’aluminium, une guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine et la phase finale des négociations de l’Accord États-Unis–Mexique–Canada (AEUMC) – ces événements font de toute évidence les manchettes, mais quelles sont les répercussions de l’escalade des tensions commerciales à l’échelle mondiale pour les investisseurs? Commençons par voir pourquoi les tarifs ont été créés initialement.

Dans quel but a-t-on créé les tarifs?

Les tarifs sont simplement une taxe imposée sur un ensemble de biens et de services importés. Les gouvernements s’en servent souvent comme stratégie protectionniste afin de défendre les producteurs locaux. L’imposition de tarifs sur les produits importés a comme effet d’en augmenter le prix. Cela procure aux producteurs locaux un avantage concurrentiel qui les incite davantage à participer au marché. Les producteurs locaux peuvent également profiter de l’occasion d’accroître leurs bénéfices en augmentant les prix des produits qu’ils vendent – ce qui peut constituer un défi pour tous ceux qui ne font pas partie du secteur protégé.

Comme le fait remarquer Megan Greene, économiste en chef à Gestion d’actifs Manuvie, le coût des tarifs douaniers est souvent refilé aux consommateurs. « Les tarifs avantagent certaines personnes, mais pas les autres », explique-t-elle. « En fin de compte, si vous faites le décompte des personnes qui sortent gagnantes et de celles qui sortent perdantes de l’imposition des tarifs douaniers dans votre pays, il y a toujours plus de perdants que de gagnants, selon les résultats nets. »

De plus, les interdépendances du commerce mondial viennent parfois compliquer les choses. Par exemple, lorsque les États-Unis ont imposé des tarifs sur les importations d’acier, les producteurs d’acier américains ont bénéficié d’une protection immédiate pour l’acier qu’ils produisaient eux-mêmes. Toutefois, ils doivent maintenant payer plus cher pour l’acier qu’ils importent d’autres pays – et cette situation prévaudra jusqu’à l’expiration des contrats à long terme qu’ils avaient conclus avant l’application des tarifs douaniers.

« Les producteurs américains finiront éventuellement par renégocier ces contrats et ils n’en concluront pas d’autres en raison de l’augmentation des prix », indique Mme Greene. « Toutefois, à court et à moyen terme, le coût qu’ils paient est plus élevé. »


« À l’heure actuelle, les tarifs sont l’équivalent économique d’une piqûre de moustique. »
Megan Greene, économiste en chef à Gestion d’actifs Manuvie

Quelles répercussions les différends commerciaux peuvent-ils avoir sur l’économie?

L’incertitude est souvent l’aspect le plus dangereux des différends commerciaux. Mme Greene explique que l’incertitude peut freiner les dépenses en immobilisation des entreprises. Des dépenses en capital moins élevées diminuent la productivité, ce qui entraîne une baisse du produit intérieur brut. C’est un risque économique bien réel.

Les différends commerciaux ont d’autres incidences sur la croissance économique. « Parmi les éléments vraiment importants auxquels nous devons réfléchir, il y a les chaînes d’approvisionnement mondiales qui ont été créées dans la foulée de la mondialisation », dit Mme Greene. « L’imposition de tarifs douaniers entraînera une transformation complète de ces chaînes parce qu’il devient inutilement coûteux de les conserver sous leur forme actuelle. Par exemple, les fabricants d’automobiles devront construire de nouvelles usines quelque part ailleurs. C’est évidemment faisable, mais cela prendra un certain temps. »

Mme Greene fait remarquer que certaines chaînes d’approvisionnement mondiales ont déjà entrepris cette transformation afin de contourner les tarifs douaniers. La Chine, par exemple, a imposé des tarifs sur le soja américain. Les agriculteurs américains avaient l’habitude d’exporter en Chine des fèves de soja à partir de la côte Ouest des États-Unis. Maintenant, de grandes quantités sont expédiées en Chine en passant par le Brésil. Le Brésil n’impose pas de tarifs sur les produits de soja américains et la Chine n’en impose pas non plus sur les produits de soja brésiliens.

« Cela coûte un peu plus cher parce que les agriculteurs américains expédient leur soja en passant par différents pays, mais il y a un point où certains de ces tarifs ne seront jamais payés parce que les exploitations agricoles les contourneront », de mentionner Mme Greene.

Elle ne s’inquiète aucunement des incidences que les tarifs pourraient avoir sur l’inflation. Dans le passé précise-t-elle, les tarifs n’ont jamais provoqué de hausses importantes de l’inflation, et dans le contexte actuel, des entreprises comme Amazon aident maîtriser l’inflation parce qu’elles sentent qu’elles ne peuvent pas augmenter de beaucoup leurs prix sans perdre des clients.

Les déficits commerciaux sont-ils toujours une mauvaise chose?

L’administration américaine a avancé que les autres pays profitent des États-Unis et leur donnent le rôle de consommateur de dernier recours au lieu de déployer les efforts nécessaires pour créer de la demande dans leurs propres pays2. Selon le gouvernement Trump, les États-Unis affichent des déficits commerciaux avec ces pays à cause de mauvaises politiques commerciales. Toutefois, certains économistes soutiennent qu’il faut s’attendre à des déséquilibres commerciaux bilatéraux. Par exemple, certains pays peuvent cultiver des bananes tandis que d’autres ne le peuvent pas. C’est une situation naturelle que les politiques commerciales ne peuvent pas changer.

Aux dires de Mme Greene, « les pays sont censés produire les biens qui présentent pour eux un avantage concurrentiel ». Autrement dit, les produits n’ont pas tous le même poids sur le plan commercial.

Pendant ce temps, les tarifs pourraient créer des disparités régionales aux États-Unis. Les droits de douane sur les automobiles pourraient avoir des incidences positives dans les États qui produisent beaucoup de véhicules – et qui bénéficient de la protection supplémentaire – mais ils pourraient avoir des effets négatifs dans les États qui achètent un grand nombre de véhicules. Les disparités régionales pourraient devenir des disparités électorales et comme le fait remarquer Mme Greene, « tous ces facteurs pourraient affecter la compétitivité des entreprises ».

La politique est un puissant moteur pour l’imposition de tarifs douaniers, même lorsqu’il n’y a pas d’argument économique solide comme avec l’emploi. Entre 1965 et 2004, la part du secteur manufacturier dans l’économie américaine est passée de 53 pour cent à moins de 10 pour cent3. De 1970 à aujourd’hui, la proportion d’emplois dans le secteur manufacturier a reculé, passant de 25 pour cent à 10 pour cent de tous les emplois aux États-Unis4.

« Les tarifs ne vont pas ramener les emplois du secteur manufacturier aux États-Unis, notamment parce que la majorité de ces emplois n’a pas disparu à cause de l’impartition dans d’autres pays. Ceux-ci ont été éliminés par l’automatisation. Par conséquent, sur le plan économique, l’argument de l’impartition n’a pas beaucoup de sens », dit Mme Greene.

Les tensions commerciales peuvent-elles créer des occasions pour les investisseurs?

À court terme, il est indéniable que l’escalade des tarifs douaniers imposés par les États-Unis et la Chine a eu des répercussions sur les rendements des marchés boursiers. « La crainte d’une guerre commerciale persistante… a stimulé les rendements des actions américaines, mais a fait reculer les rendements des actions dans les marchés internationaux, y compris les marchés émergents », indique Philip Petursson, stratège en chef des placements à Investissements Manuvie.

Selon M. Petursson, les données fondamentales des marchés internationaux demeurent solides, mais les rendements ont été inférieurs aux attentes de l’équipe. Il attribue cet écart à la tendance des marchés boursiers à réagir aux tensions commerciales à cause d’une vision à court terme et comme Mme Greene, il croit que l’impact des tarifs douaniers ne durera sans doute pas. Il fait remarquer que lors de scénarios similaires survenus dans le passé, les investisseurs auraient dû tirer avantage des graves perturbations des marchés, perturbations qui à l’heure actuelle touchent les marchés internationaux et les marchés émergents. »

Il croit également qu’il faut conserver les placements en actions américaines : sachant que les perspectives économiques nous semblent toujours favorables pour 12 prochains mois ... que l’orientation des bénéfices est positive... et que le marché affiche des évaluations justes (peut-être à sa valeur maximale, mais sans être surévalué), nous continuerions de recommander la pleine pondération des actions américaines dans le cadre d’un portefeuille équilibré.

L’essentiel tient à ce message que vous avez probablement communiqué très souvent aux clients, mais cela vaut la peine de le répéter : « Il semble toujours y avoir quelque chose dans le paysage géopolitique que nous pouvons utiliser comme raison de liquider les titres détenus dans les marchés. C’est souvent la mauvaise décision. Il est très rare qu’un événement géopolitique ait un impact significatif et durable sur les marchés », dit M. Petursson. « Les investisseurs doivent faire la distinction entre, d’une part, les vérités fondamentales des marchés boursiers, des marchés des titres à revenu fixe et des occasions que ces marchés recèlent et, d’autre part, les manchettes intéressantes qui n’ont peut-être rien à voir avec les placements ».

C’est plus que jamais une grande vérité dont la portée va bien au-delà des tensions commerciales.


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